Alicia Paz
Frank Lamy
Depuis ses premiers tableaux, Alicia Paz pratique une peinture de la peinture. Le tableau est envisagé comme territoire de fiction. C'est-à-dire un espace de feinte, d’artifice, d’histoire et de vraisemblance. Elle y combine toutes sortes de signes iconiques qui, véritablement, en sont les personnages. Ce sont eux qui, bien souvent, font le tableau. Car, s’il est bien certain que c’est de leur assemblage que se construit la toile, la présence récurrente, sur un bon nombre d’entre elles, de la figure d’un peintre en train de peindre nous renseigne sur les dimensions analytiques des signes convoqués.
C’est une expérience de la peinture qui se nourrit d’images en tous genres, qui les digère et qui se traduit par une mise en œuvre du processus créatif en une série d’arrêt sur tableau.
Alicia Paz dans ses tableaux récents a recours à des éléments de plus en plus disparates qui proviennent d’univers radicalement différents. Ces signes de signes iconiques sont traités comme des images d’images. Il ne s’agit pas, par exemple, de représenter la sorcière de Blanche Neige version Walt Disney, mais une image de la sorcière de Blanche Neige version Walt Disney. Pas plus qu’il n’est question de faire des taches, mais bien de représenter des images de taches.
Mais également ces figures sont des morceaux de peinture : chacune étant peinte de manière particulière. Plusieurs façons cohabitent à la surface. Toujours finement maîtrisées, à tel point qu’elles me semblent être elles aussi des images.
Bien qu’insérés dans un cadre narratif, un scénario probable, une mise en scène quasi théâtrale, les éléments assemblés conservent leur autonomie. Leur isolement. Leur altérité essentielle. Pire, ils l’affirment et le revendiquent. La somme de leurs étrangetés compose des images paradoxales et improbables. Avec néanmoins des soucis de vraisemblance. Mais toujours on a affaire à un décor, des personnages, des actions, une construction en plans successifs. Figuratifs sont ces éléments (et à plus d’un titre puisqu’ils représentent toujours quelque chose), mais avant tout sont des événements picturaux faisant toujours affleurer la question du tableau.
Sur l'auteur
Frank Lamy est né en 1968. Il a commencé sa carrière en tant que critique d'art dans plusieurs magazines spécialisés et a collaboré à la conception d’expositions d’art contemporain en France. Depuis 2005, il est chargé des expositions au MAC/VAL à Vitry-sur-Seine. L’ambition de ce musée qui accueille des artistes de renommée internationale est d’ouvrir l’art contemporain au plus grand nombre et de sortir l’art des murs traditionnels des musées. En 2009 il a dirigé la programmation artistique de la 8ème édition de la Nuit Blanche avec Alexia Fabre, la directrice du MAC/VAL.
English version
From the beginning of her practice, Alicia Paz has made paintings about painting. The canvas is envisaged as the territory of vision. By this, I mean that it is a space of trickery and artifice, of history and verisimilitude. In it she combines all sorts of iconic signs that truly function as figures.
Quite often, it is these very figures or characters that make the painting. As it is quite certain that it is based on their assemblage that the picture is constructed, the recurring presence, in several of the works, of the figure of a painter in the act of painting informs us of the analytical dimensions of the signs evoked.
It is an experience of painting that draws upon all sorts of images, digests them, and is then translated into a mise en oeuvre of the creative process, portrayed as a series of painted “freeze-frames”. In her recent works, Alicia Paz turns to increasingly more disparate elements that stem from radically different worlds. These signs of iconic signs are treated as pictures of pictures. It is not a question, for example, of representing the witch of Walt Disney’s version of Snow White, but rather an image of the witch of Walt Disney’s version of Snow White. Nor is it a question of making painterly marks, but rather of representing images of painterly marks.
Equally, however, these figures are fragments of paintings: each being executed in a particular manner. Various modes and techniques co-exist on the surface. They are always finely mastered, to the point of also seeming to be images.
Although inserted within a narrative frame, a probable scenario, a quasi-theatrical mise en scène, the assembled elements retain their autonomy. Their isolation. Their essential otherness. Worse, they affirm and proclaim it. The sum of their strangeness composes paradoxical and improbable images. With, however, a concern for resemblance. But we are still dealing with an affair of décor, of figures, of actions, of a construction of successive planes. These elements are figurative, (and on more than one account, as they always represent something) but above all, they are pictorial events, posing, as ever, the question of the painting.